Je suis entrain de déjeuner d'une grande assiette garnie de noodles aux crevettes, et de radis gros comme des clémentines dans un boui-boui aux tables plastifiées. La clientèle est composée de milice avec fusil à pompe, de routiers moustachus et d'une grand-mère maigrelette qui vient de se faire offrir à déjeuner par une bande de gaillards joviales. Prends ce que tu veux mamie c'est moi qui régale ! Et la voilà qui trottine avec une montagne de nourriture et une bouteille de soda à l'orange à la couleur louche.
La frontière entre le Guatemala et le Salvador n'est qu'à quelques mètres. Dehors il doit faire un bon 35C°. Où puis-je trouver un bus pour Sonsonate ? demandais je à la patronne en fouillant mes poches pour sortir les 2$ nécessaires à payer mon gargantuesque repas. Si tu veux je peux te rapprocher car je vais dans ce coin là me dit le patron qui vient d'apparaitre dans l'encoignure de la porte.
Un quart d'heure plus tard le type s'arrête en face d'un supermarché. Attends moi là j'en ai pour quelques minutes me dit il en extirpant un gros flingue de son pantalon qu'il planque sous le tapis de son siège. Une obligation pour tous les gars qui gèrent des commerces et donc du cash, en Amérique Centrale.
Mon pote Seth l'américain (qui ressemble à mon ami Lolo B.) m'avait proposé de le rejoindre dans le village de Juayua, joli bourgade colorée entourée de plantation de café et de grosses fincas où se balladent d'authentiques cow-boys. Chaque fin de semaine il y a une fête gastronomique et aujourd'hui c'est aussi le jour du Christ Noir, une célébration qui mélange cultures maya et chrétienne. Autant dire que trottine une marée humaine et je me casse le nez à chaque hôtel, tous plein à craquer.
Je suis prêt à jeter l'éponge quand je vois proche d'un cyber café le mot Hôtel peint sur un mur sans pour autant qu'il y ait de portes ni d'entrée officielle. Dans la boutique internet il y a des gamins qui jouent sur des vieux PCs miteux posés dans des sortes de boite-cabine en bois avec des numéros peints à l'arrache dessus. La patronne est en train de se laver les cheveux me prévient un trio de mouflet qui ne me quitte pas des yeux. Une dame qui impose un bon 90kg mais avec une tête à la Cindy Crawford (mouche proche de la lèvre incluse) sort de la cour avec une serviette sur les cheveux. Oui il y a une chambre je vais vous montrer, me confirme t'elle de son sourire magnifique.
En rentrant dans l'hôtel il y a un grand salon, puis une spacieuse cuisine et enfin deux grandes chambres. Moyennant 7$ je choisis la plus petite, celle qui contient deux lits double. Je fouille un peu dans la cuisine, il y a même de la bière dans le frigo. Il déchire cet hôtel !
Helllllo ! me lance deux heures plus tard une voix inconnue derrière ma porte alors que je suis entrain de mijoter en mode lecture-sieste sur mon lit. J'ouvre la porte pour me retrouver face à une fashion victim habillée de baskets tricolores, d'une épaisse montre de plastique design et de larges lunettes de soleil aux verres miroirs orangés. Riiiight mate, me name iz Steven maaate ! me lance le gars de 30 piges avec un accent australien à couper au couteau. Au sortir de ma léthargie je comprends que oui bien sur je suis chez Steven 100% salvadorien 100% perché 100% sympa et non dans un hôtel véritable. La bonne humeur de mon amphitryon me console de ne pas pouvoir aller faire du yoga en slip dans le salon ni de pouvoir dépouiller les bières dans la cuisine. Les bons voyages ce sont des bonnes rencontres et pour le Salvador ça s'annonce plutôt bien.



